« Jouir de la foule est un art ».Elle peuple nos vies, nous lamine de par son amplitude imposante, qui nous pèse de par sa démarche violente. Ainsi Zachary parcourait il ses pensées, tout en traversant la foule tranchante qu'il se plaisait à affronter chaque divin jour que la miséricorde lui accordait. Les lumières de New York se répandait de part et d'autres de la ville, abritant derrière les ombres dévorant les âmes désireuses de se nourrir de bien être superficiel. Qu'il aimait se fondre dans cette foule fugace et pouvoir alors apprécier cette présence qu'incarnait ceux qu'il ne serait jamais.
Cela faisait plus d'une heure , une longue heure, qu'il déambulait dans l'avenue animée par des cris et des rires qu'il percevait comme de loin, survolant par un regard hautain, ceux qu'il considérait comme un divertissement. Jamais il ne cessait de se délecter de l'imperfection des êtres qui l'environnaient . Ce monde était si éloigné de son propre univers dont il prenait soin , un univers qu'il cultivait sans cesse afin de ne pas tomber dans le dégoût d'une existence commune aux autres.
Parfois l'un le bousculait et l'empêcher d'aspirer la bouffée cancéreuse que lui offrait sa cigarette. Mais l'irritation ne se lisait sur son visage, et sans doute même n 'éprouvait t'il pas une telle émotion ! Car il avait appris à ne plus qu'être un figurant dans une foule en quête perpétuelle d'individualisme. Et ce fut accompagné d'un rire non dissimulé qu'il enchaîna ses pas , enchaîné lui même par les vicissitudes pesant sur son dos. Mais jamais il ne se courbait et toujours il se nourrissait de la vision affligeante de ces hommes pensant plus à avoir qu'être.
Il ne tarda pas à s'arrêter un instant. Oui, c'était un art, un art véritable que de savoir s'extasier de cette foule en délire, dont le mouvement restait seulement impulser par le désir de posséder. Mais Zachary savait pertinemment que la jouissance ne se trouvait nullement dans l'acquisition mais plutôt dans la libre soumissions aux aléas de la vie. Sentir son corps, ses émotions martyrisées par les discordantes péripéties imposées par une fatalité dévorante, s'il avait pu ne serait que durant une seconde, tenter d'exprimer cette ardente émotion, sans doute aurait il joui à coeur ouvert. Mais il se contenta simplement de suivre les pas d'un vieil homme dont le nez , rougi par l'alcool, l'invitait à suivre les pas boiteux et indécis de sa victime. Une invitation qu'il ne put alors pas refuser.
Il ne tarda pas à être amené devant un imposant bar, qui ne manquait ni de foule, ni d'ambiance. Une fumée vaporeuse s'échappait de l'établissement aussitôt qu'une personne s'échappait d'un lieu, toujours hanté par des vices séculaires. Il porta sa cigarette à sa main, et ce fut avec des yeux pétillants d'excitations qu'il admirait ce qui s'imposait devant lui. Au moins aurait il un divertissement des plus exaltants ce soir. Il pourrait rejoindre cette euphorie qui le guettait quotidiennement, et ainsi se laisser emporter dans les méandres incommensurables du vice.
Il déposa sa cigarette à terre, et pénétra le bar sans plus attendre. Déjà, à peine eut il ouvert la porte d'entrée, que l'odeur composée d'alcool et de nicotine l'enivrait au plus haut point. Son esprit était empreint d'une excitation sans faille, et ce fut sans effort qu'il s'approcha rapidement du comptoir pour demander un whisky bien frais. Bientôt le verre à la main, il s'asseyait sur un des sièges, et dégusta une première gorgée inaugurant un début de soirée prometteur. Il profita de cette invasion liquide conquérant son corps pour lancer un regard furtif dans la salle , curieux de ce qu'elle pouvait abriter.
La musique, les hanches se déhanchant sans jamais se décoller tandis que des douces et pulpeuses lèvres ne se lassaient jamais de se rejoindre... Il commanda un deuxième verre et décolla de la place qu'il occupait pour rejoindre la foule. Un foule fascinante dans laquelle il se mouvait et se fondait sans difficulté. Il était si facile de paraître ce que l'on n'est pas. Plus aisé encore que de tenter de montrer ce que nous sommes réellement, sans savoir véritablement ce qui nous constitue, ce qui nous a transformé.
Son corps, enhardi par la chaleur réconfortante de la boisson, l'amenait à devenir l'être qu'il admirait en secret, lorsque la sobriété l'éloignait d'un état libre et affranchi de toutes bienséances. Ainsi parvenait il à se mouvoir auprès de corps les plus délicieux, ces derniers ne répondant que par des sourires aguicheurs et des regards aussi chauds que leurs peaux douces. Ce n'était pas par manque de respect qu'il agissait ainsi, mais au contraire, par fascination du corps. Il se sentait comme un adorateur de l'Homme. De cette espèce qui le traquait. De cette espèce dont il avait été exclu, alors que lui, discrètement, s'efforçait chaque jour de s'y faire accepter.
Il ne s'attarda pas plus sur cette question, car son attention s'était attardée sur une nouvelle arrivée qui ne le laissait pas de marbre. Il délaissa son verre et , sous le rythme d'une musique invitant à une danse rapide et festive, se rapprocha de l'inconnue. Il se moquait de savoir si l'éthique lui permettait un tel comportement, il était loin de toutes ces futilités qui en fin de compte, ne s'adressaient qu'à ceux qui détenait des papiers affirmant une existence utile. Lui était de ceux que l'on considérait comme des déviants, et en tant que tel il ne tarda à l'inviter à danser avec lui, chamarré d'une voix sensuelle, et chaleureuse.
« Et ce plaisir de danser avec vous, je le crois, ne pourra qu'être partagé » continua t'il alors, la main tendue vers la sienne que l'obscurité, ignorée par une lumière de trop mouvante, tentait de dissimuler.