Darkness in Paradise [PV Vittel] - Tragique vs Comique xD

Darkness in Paradise

« Il était enfin arrivé dans cette ville que les gens appelaient avec prétention la Grosse Pomme, dont il avait tellement entendu parler depuis ces six mois de traque et de fuite démesurées, passés à ne chercher que du vent, de la poussière et à fuir le passé. Il avait écouté, et appris que ce n'était rien de moins que le centre du monde. Était-ce vraiment possible ? Nous verrons bien. C'est pour ça en tout cas qu'il était venu ici, même s'il connaissait mal les villes. On aurait dit que les humains y pullulaient comme des cafards, à perte de vue, sans jamais de repos. Il désirait tant être assez puissant pour les faire mettre à genoux dans les plus atroces souffrances, leur briser à tous les os et les réduire en bouillie. Ils le dégoûtaient et lui les haïssait. En tout cas, New York n'a rien d'une pomme, ça c'est sûr. Encore quelque chose des humains qu'il ne comprendrait jamais... »

« Ombre parmi les ombres, réfugié dans les ténèbres rassurantes de la nuit, invisible et hors de portée des regards indiscrets, ses yeux céruléens observaient le va et vient incessant des centaines de véhicules et de personnes qui défilaient sous ses yeux. Toutes ces lumières qui brillaient dans l'obscurité, tant et si vives qu'elles lui écorchaient le nerf optique à chaque fois qu'il les regardait, le mettaient mal à l'aise. La ville de New York s'étalait dans toute son écarlate splendeur et flambait de milles lumières en dessous de lui, comme autant de feux follets vacillants et de lueurs d'espoir dans le noir, contrepoint tranchant face au ciel d'encre qui les enveloppait. On ne voyait pas les étoiles ici, la ville qui ne dort jamais ne le permettait pas - trop de cette lumière pâle et dérangeante. Seule la Lune, disque froid et mordant, faisait son apparition une fois de temps en temps, se drapant de quelques nuages timides comme pour mieux conserver son intimité dévoilée. La ville qui ne dort jamais. Il comprenait mieux, maintenant, pourquoi on l'appelait ainsi.

Accroupi, les coudes sur les genoux, il attendait. Quoi ? Il n'en savait rien lui même, mais il attendait et observait la vie futile des gens avec impassibilité, comme il avait l'habitude de faire. Tous les jours il les regardait vivre leurs pauvres petites vies et tentait de les comprendre, et tout les jours il s'éloignait un peu plus d'eux, ne se trouvant rien en commun avec les humains. Avec personne d'autre en réalité. Une main sur la noire surface vitrée qui s'étalait sous la semelle de ses tennis, il observait son reflet dans l'obscurité. Son visage, faiblement éclairé par la lumière diffuse venant des artères principales de la capitale, était fidèle à lui même. Froid et résolu, comme toujours. Voilà bientôt huit ans qu'il n'avait plus affiché l'ombre d'un sourire. Bientôt huit ans... Il serra les dents et redressa la tête avant de se relever complètement, en face de lui s'étalait la rue, les passants et les voitures. Fourmillement incessant et pitoyable à ses yeux. Ça le désolait de voir à quel point les humains continuaient de vivre leurs petites vies mornes et insignifiantes alors qu'ils se savaient en voie d'extinction. Ils continuaient de polluer le monde et de pulluler. Mais plus pour très longtemps désormais, ça au moins, Dimitri l'avait compris en écoutant le monde autour de lui. Son manteau noir claquait dans le léger vent qui soufflait et il fit demi tour, préférant laisser derrière lui tout cette agitation et tourner son regard las vers le ciel, où il aurait dû trouver le silence des étoiles et l'infini de l'espace en lieu et place de ce smog puant et toxique. Il en avait assez vu pour aujourd'hui, il en avait marre. La Colère courait dans ses veines, sourde, brûlante, comme toujours. Il était temps pour lui de rentrer dans le misérable immeuble désaffecté et miteux qui lui tenait lieu de squat. Faisant quelques pas et anticipant le lieu de sa réception, il se mit à marcher de plus en plus vite avant de courir sur les derniers mètres dans le froid de la nuit. Il prit appui du pied gauche sur le rebord et, faisant appel à son pouvoir, il s'élança alors dans le vide, quittant la surface verticale du building endormi sur lequel il s'était arrêté, géant de verre et d'acier. Son saut sembla durer une éternité, tandis qu'il défiait la force de l'attraction terrestre et que son être entier luisait d'un doux halo bleu, imperceptible mais visible dans la nuit. La Terre n'avait plus d'emprise sur lui et il flotta jusque vers son pont de chute, le toit d'une maison en sommeil. Il y descendit ensuite avec légèreté pour rejoindre une rue, à l'écart, une de ces rues mal éclairées qu'on disait mal famées, même si Dimitri ne comprenait pas pourquoi.

Même à cette heure avancée de la nuit, fraîche pour la saison – un tant soit peu qu'il ne se rappelle ce qu'était la venue de l'hiver, il y avait encore un peu de monde dans les rues, juste quelques personnes. De toutes manières, il y avait toujours du monde à New York, où qu'il aille et quand que ce soit. C'était bien ça le problème. Dimitri n'aimait pas marcher au milieu des gens, de ces humains méprisants qui, pour lui, venaient d'un autre monde. Un monde auquel il avait été arraché des années plus tôt et qu'il tentait vainement de comprendre maintenant. De comprendre pour mieux l'assassiner. Ça le répugnait de devoir se mêler à eux, il détestait devoir avoir un quelconque contact avec qui que ce soit. Supportant très mal la présence d'autant de gens en même temps, il devait sans cesse réfréner cette pulsion irrésistible et meurtrière qui le poussait intérieurement à détruire tous ceux qui avaient l'inconscience de s'approcher de trop près de lui. Marchant un peu plus vite et longeant les murs, il respira plus profondément. Non, non, la dernière fois qu'il avait cédé à la Colère il avait trop attiré l'attention, ces humains en noir l'avaient poursuivi longtemps à bord de leur voiture LAPD, le forçant à quitter la ville. Ce n'était pas une bonne idée, mais la tentation d'entendre leur os craquer de douleur sous leur propre poids était si plaisante... Se calmant légèrement, il continua son chemin, observant d'un air impassible et avec indiscrétion les visages de ces êtres misérables dont il croisait la route. Il restait discret, détestant se faire remarquer. Bientôt, il pourrait aller se reposer, et puis demain il reprendrait sa route incertaine, jusqu'à ce qu'à nouveau il cède... »

« Le quartier de la ville où Dimitri avait trouvé un endroit pour y établir son squat n'était vraiment pas bien fréquenté. On pouvait même aller jusqu'à dire que c'était le pire quartier de New York, là où encore de nos jours, malgré toute la sécurité de la ville et les mesures qui ont été prises pour contrer la criminalité, il ne fallait pas traîner trop longtemps dans les rues le soir tombé. L'espérance de vie n'y excédait généralement pas dans ce cas là la vingtaine de minutes. Il n'était pas rare de voir presque quotidiennement dans le New York Times un article supplémentaire traitant d'un meurtre ou d'un règlement de compte entre dealers ou membres de différents gangs du coin. Et c'était là que le jeune homme avait établi son 'domicile'. Oui, on ne pouvait pas vraiment parler de chez lui. Un endroit puant et misérable dont le seul mérite était d'être dans un immeuble en construction, abandonné, où personne ne mettait jamais les pieds. Au moins était-il tranquille. Mais Dimitri n'avait pas grand chose à craindre, il avait un couteau, cette étrange force qui courait en lui et, surtout, la Colère qui fumait dans ses veines.

Il continuait de marcher d'un bon pas, observant d'un œil malveillant les personnes qui l'entouraient, perdu dans ses pensées. Pour lui qui venait d'une petite ville paumée aux portes du désert en Australie, cette ville que les humains appelaient New York paraissait décidément bien étrange. Ne serait-ce que le nombre de gens qui y vivaient. Il avait presque été choqué de voir combien les humains pullulaient en ce lieu, et ça le dérangeait profondément. Pas évident pour lui, qui préférait être seul. Le meilleur endroit à son sens restait encore les toits, que peu de personnes pouvaient atteindre.

Il était perdu dans ses pensées et avait relâché sa vigilance sur le monde qui l'entourait quand quelque chose qu'il détestait particulièrement se produisit. Passant dans la zone de lumière presque aveuglante d'un des lampadaires qui avaient été semés sur le trottoir, il entendit un espèce de beuglement sorti de nulle part qui hurlait le prénom de quelqu'un. Dérangé par cette soudaine perturbation et méfiant par nature, il releva les yeux, juste à temps pour voir un humain lui sauter dessus, arborant ouvertement une expression joviale de bonne humeur et de malice sur le visage à en gerber. Les pupilles de Dimitri s'étrécirent lorsqu'il se rendit compte de ce qu'il allait se passer ensuite et s'il avait pu en cet instant carboniser l'homme qui allait lui atterrir dans les bras, il l'aurait fait sans hésiter.

Il reçu avec maladresse l'inconnu qui le prit dans ses bras et l'enserra avec force et conviction. Dimitri fit un pas en arrière à cause du choc et tenta tant bien que mal de se dégager. Il lui broyait presque les côtes et lui mettait de grandes claques douloureuse dans le dos. Emporté par l'élan de la course initiale, Dimitri eut beau essayer se rattraper, il n'y parvint pas et bascula en arrière. Le choc fut violent pour Dimitri, qui heurta avec force le macadam et ce malgré qu'il ait tenté de l'amortir par annulation de la gravité. Sans réel succès cependant. Il eut la cage thoracique écrasée et sa tête cogna à moitié le sol, lui faisant voir des étoiles devant les yeux. Son cœur battit soudainement plus vite tandis que l'adrénaline coulait dans ses veines. A moitié sonné, il sentait la Colère monter en lui, foudroyante. Il détestait les humains, il détestait devoir avoir quelque contact que ce soit avec eux mais, pire que tout, il détestait la bonne humeur et la jovialité. La dernière et seule personne à lui avoir fait ça était morte dans un brusque et incontrôlable épanchement de sang. Il était écrasé par le poids de l'homme qui venait de rentrer dans son espace vital, ce périmètre de sécurité au delà duquel il réagissait en attaquant. Impossible d'attraper son arme dans cette position là, il devait supporter le poids de cet humain misérable. Pour qui l'avait-il pris ? Pour une de ces créatures faibles et imbéciles ? Il ne se sentit pas partir et, une fois de plus, il sombra complètement dans une rage folle. Il haïssait aussi le contact physique avec les autres. En fait, tout ce qu'il repoussait venait de se produire en même temps à cause de cet individu.

Malgré son étourdissement, il se sentait déjà au point de rupture qui allait le pousser à tenter de le tuer. Il fallait qu'il le fasse pour assouvir ce sentiment violent de haine. Il essaya tant bien que mal de se dégager et réussit à pousser sans ménagement l'homme sur le côté. Il se releva avec un peu de difficulté, manquant perdre l'équilibre et se dirigea vers l'inconnu. Une femme lui demanda s'il allait bien. Il ne comprit même pas ce qu'elle voulait et lui lança son poing dans la figure, faisant craquer ses articulations et cassant sec le nez de cette femme. Elle ne hurla même pas et se prit le nez entre les mains, les larmes aux yeux en tombant à genoux sous le coup de la douleur.

Ne s'en préoccupant même pas, il se baissa vers celui qui lui était rentré dedans, le prenant par le col et le tirant vers le haut. Oui, il allait l'aider à se relever. Enfin, à sa manière. Un léger halo bleu fumant entourait Dimitri quand il le souleva pratiquement sans effort, ayant annulé la force d'attraction sans même s'en rendre compte. Une fois à bonne hauteur il recula la tête et lui envoya un phénoménal coup de boule en pleine face. Son expression était empreinte d'une promesse de carnage et, dans son regard, on pouvait apercevoir l'éclat de cette Colère douloureuse qui l'habitait... »

« La tête de Dimitri était partie avec force en ayant pour destination d'arrivée le milieu de la figure de cet homme qui l'énervait tant. Quelle ne fut pas sa surprise quand, au dernier moment, sa victime devint translucide ! Sa tête passa à travers le liquide bleu et la fit exploser en mille éclats scintillants. Cependant, emporté par son élan, il se prit de plein fouet le mur derrière qui lui fit voir un éclair blanc et de petites étoiles devant ses yeux. Il lâcha subitement le col de l'inconnu en grognant et se retint au mur pour ne pas tomber à cause du choc. La douleur lancinante lui faisait un mal de chien. L'espace d'un instant il ne vit plus rien et Dimitri serra les dents, il allait le lui payer ça. Ses cheveux dégoulinaient d'eau et il sentit le froid de la nuit se faire plus intense et glacial encore. Il y eut alors comme un choc à côté de lui, dans le mur. Le temps qu'il reprenne ses esprits, cet humain avait fait éclater une conduite d'eau qui se déversait sur le trottoir et allait inonder la rue dans les dix prochaines minutes si personne ne faisait rien. Il se retourna dans la direction de ce misérable qui avait osé lui faire ça. Il sentait dans ses veines courir la puissance destructrice de la Colère qui était en train de le submerger, menaçant de plus en plus d'éclater à chaque instant qui s'écoulait. Mutant ou non, peu lui importait, le résultat serai le même. Le halo bleu lumineux, fumant furieusement, qui caractérisait l'apparition de son pouvoir pouvait déjà se faire voir et la gravité autour de lui était perturbée sans même qu'il ne s'en rende compte. La haine qu'il vouait aux gens était déjà grande d'habitude mais alors cet homme en face de lui ne s'imaginait même pas ce qu'il venait de provoquer. Peu lui importait qu'il soit un humain ou un mutant, ni même de sa puissance. Il ne peut pas contrôler ce sentiment de Colère qui court en lui. Ça aurait pu être Magnéto en face qu'il se serait quand même jeté dessus.

Dimitri s'aperçut alors de pourquoi il avait traversé la tête de son ennemi. Son corps paraissait entièrement fait d'eau, en tout cas de ce qu'il pouvait voir par le trou dans son T shirt et de sa tête, qui s'était reconstituée. Il distinguait mal ses traits, fondus dans cet espèce d'amas translucide qui lui tenait lieu de corps. Il ne connaissait pas d'autres mutants, c'était une des premières fois qu'il voyait quelque chose de ce genre, mais ça ne l'impressionnait pas. Rien ne lui faisait peur de toute manières, il n'avait rien à perdre. Une canalisation avait été arrachée de sur le mur et déversait le trop plein d'eau partout. Apparemment il avait justement profité de la conduite pour se refaire une beauté, et un visage tout entier à vrai dire. Traversant à toute allure les éclaboussures, un couteau et un pot de quelque chose que Dimitri ne connaissait pas filèrent vers lui. Il esquiva le couteau en faisant un pas de côté mais dû lever les bras pour se protéger du Nutella qui le heurta sur le coude sans faire trop de dégâts. Dimitri prit alors le temps de l'observer quelques instants, comme pour jauger de ce qu'il valait. Mais peu lui importait, cela ne l'empêcherait pas de tenter de le réduire à néant, même si lui devait être blessé. Il avait complètement oublié la femme qui se tenait là, horrifiée et hurlante.

On eut presque dit que son adversaire tirait sa force dans l'eau jaillissante et que plus il y en avait et plus il était content et jovial, chose qui tapait particulièrement sur les nerfs de Dimitri. Il rassembla autant d'eau qu'il le put au dessus de lui et sépara la masse en deux boules énormes qui gonflaient à mesure que l'eau s'écoulait à travers lui. Elles prirent alors progressivement la forme ridicule de deux canards qu'il avait déjà vu dans les rues, sur des affiches de pubs idiotes au possible. Le jeune homme ne comprenait pas comment on pouvait vouloir se battre avec si peu de sérieux. Est-ce qu'il se rendait compte au moins qu'il risquait sa vie ? Qui était-il pour avoir autant de confiance en lui - ou d'inconscience ? Dimitri ne se battait pas pour s'amuser, non, ce n'était pas un jeu. Son combat était sa vie. Les deux masses énormes d'eau froides se dirigèrent vers lui, piètres représentation de la bêtise humaine.

- Alors Jerry ? T'es toujours colère maintenant ? Tu veux pas faire la paix, tu es sûr ? »

Dimitri explosa presque, il se moquait de lui en plus ! Plus il était en colère et plus son halo fumait fort alors qu'il déformait l'espace, et en ce moment il gagnait de plus en plus en intensité. Dans un raclement métallique, il dégaina d'un geste sec le couteau qu'il avait, il allait tout détruire. Absolument tout tant qu'il ne verrait pas sa face de mutant réduite en bouillie sur le trottoir. Tout sur son chemin allait être écrasé et déformé. De toutes façons il n'avait qu'a laisser faire la Colère foudroyante et autodestructrice dans laquelle il baignait désormais. Les masses d'eau étant la menace la plus immédiate, il s'en prit d'abord à eux.

Il s'élança vers cet homme avec une expression douloureuse et violente de haine sur le visage. Il était prêt à mettre toute son énergie pour le voir souffrir. Il ne le connaissait pas mais peu lui importait. Il longea le mur et prit appui dessus pour brusquement bondir vers les canards géants, dans un de ces élans surnaturels et aériens dont il avait le secret. Il allait en plein sur eux, inconscient du danger que représentait l'eau qui s'infiltre dans les poumons et asphyxie les sens. Il pénétra la masse d'eau recroquevillé, retenant son souffle, et libéra d'un coup cette rage qui le consumait de l'intérieur. Dans un éclat bleu lumineux et un hurlement de haine qui laissa échapper des bulles, l'espace tout autour de lui fut profondément déformé alors que le poids de l'eau et de son environnement se vit multiplié plusieurs fois l'espace de quelques instants. Autant d'eau qui pèse aussi lourd que le plomb et même plus, vous croyez vraiment que le mutant qu'il visait était capable de la maintenir en l'air ?

Complètement détrempé, alourdi par ses vêtements mouillés et vidé d'un coup par cette brusque dépense d'énergie qui avait envoyé toute l'eau se répandre par terre, il se laissa retomber un peu moins doucement que ce qu'il n'aurait voulu sur le trottoir, un genou à terre. Son action avait fissuré d'un coup sec le bâtiment à côté duquel il se tenait, provoquant une lézarde large à en laisser passer une main de bas en haut et un tremblement menaçant et sourd. Quelques débris tombèrent du toit et se fracassèrent sur le sol, accompagnés de poussières et d'un cri dans la nuit. Des conduites avaient éclaté, du courant avait été coupé. Ils ne le remarqueraient certainement pas, mais maintenant le mur de l'immeuble n'était plus tout à fait vertical, il penchait dangereusement sur l'extérieur. Le lampadaire s'était à moitié plié, tordu dans une position grotesque en clignotant désespérément, et la femme qu'il avait frappé ne hurlait plus. Peut-être était-elle morte, peut-être pas. Peu lui importait. L'homme après qui il en avait avait été trop loin pour subir de plein fouet la force qu'il avait libéré. Mais il pouvait recommencer, ça oui. Il se moquait pour cela qu'il doive se mettre dans un état proche de l'inconscience, tant qu'il réussissait à l'avoir.

Inspirant un grand coup, il se redressa, fixant de ses yeux céruléens celui qu'il allait tuer. Saisi par un froid glacial, il s'avança vers lui. Il paraissait certes être plus calme à ce moment là, mais à l'intérieur il brûlait toujours autant de cette folle ivresse mortelle et dangereuse. Alors, il lui parla enfin depuis le début, d'une voix où l'on pouvait sentir une fureur sous-jacente qui n'allait pas tarder à exploser.

- Je ne suis pas Jerry... »

Sentant à nouveau cette étrange puissance qui déformait la réalité courir dans ses veines et influer de plus en plus sur l'espace autour de lui, il parcouru plus rapidement les derniers mètres qui les séparaient pour aller lui envoyer coup sur coup avec sa lame d'acier. Tendant tout les muscles de son corps, il allait le taillader. Et si cela ne suffisait pas, la gravité qui allait en ce moment même en intensité croissante le finirait. Peu importait la canalisation qui jaillissait presque à côté d'eux.

- Je suis Wrath, la Colère ! »

L'eau pourtant ne pouvait être tranchée. Et ça, ça allait l'énerver... »

« C'était comme essayer d'attraper le vent, fugace et insolent, dans une étreinte utopique entre ses doigts, proprement impossible. Dimitri lui lança plusieurs coups de couteau, clairement destinés à en faire une de ces charpies sanguinolentes à souhait dont il avait le secret lorsqu'il s'agissait de faire comprendre à quelqu'un que ce n'était pas vraiment le moment de le chercher. Généralement ses victimes n'avaient pas l'audace de recommencer. Enfin, généralement elles n'étaient tout simplement plus en état de recommencer. Mais là, chose inédite, voilà que le jeune Dimitri Blake venait de tomber sur quelqu'un de plus coriace que lui ou, en tout cas, au moins de sacrément culotté. Il esquiva presque avec légèreté chacun des coups qu'il lui envoya, que ce soit au ventre ou au visage, prenant sans cesse des formes de plus en plus extravagantes en adaptant son corps aux mouvements du jeune homme et provoquant chez ce dernier une montée en puissance du taux d'adrénaline dans ses veines. Pour sûr, il n'allait pas apprécier qu'il se moque de lui de la sorte.

Puis, lassé, ou tout simplement parce que ça l'amusait encore plus, l'inconnu au corps aqueux cessa d'esquiver la lame aux rebords dangereusement tranchants et, voyant là sa chance d'atteindre enfin l'intérieur tant convoité de ses chairs, Dimitri redoubla encore plus de férocité et lacéra sans commune mesure le torse de celui qui se foutait royalement de sa personne avec une indécence sans pareille. Dimitri serra encore plus les dents de colère quand il s'aperçut que le résultat était loin de celui escompté. Pour toute réponse, seule une longue balafre déchira le T-shirt de l'X-Man qu'il affrontait, prémisse aux deux prochains coups qui orneraient son vêtement d'un Z triomphal et inattendu. Le morceau de métal qu'il tenait entre ses mains et qui était supposé lui ouvrir les entrailles parvenait à peine à faire gicler quelques gouttelettes à chacun de ses coups. Encore et encore et encore il frappa, mais rien n'y fit. Il aurait presque pu se jeter sur son adversaire qu'il lui serait passé au travers sans rien y comprendre. Il était tout proche maintenant, les yeux plissés par la Colère, il pouvait nettement voir dans ceux de Chuck Campbell cette lueur d'insolence et d'amusement qui y régnait en maitre. Il aurait tellement voulu lui faire la peau et lui faire passer ce petit sourire des plus désagréables qu'il affichait en ce moment, mais ses efforts étaient vains. Dimitri en oublia presque que d'aussi près il n'avait aucune chance d'éviter une attaque venant de son adversaire. En même temps, ce n'est pas comme s'il avait déjà réellement tenu à sa chienne de vie.

- Un Z ! Un Z comme...comme...ZChuck ! Jerry Garcia ! Je vous arrête ! »

Dimitri n'en revenait pas de voir à quel point cet homme pouvait s'amuser de faire ainsi le mariole alors que lui même tentait de lui trancher la gorge. Etait-il donc invulnérable pour pouvoir se pavaner si fièrement devant la mort ? Son arme blanche se planta une fois de plus dans le corps d'eau de Chuck et s'enfonça jusqu'à la garde. Mais cette fois-ci, lorsqu'il fit un mouvement du poignet pour la retirer et tenter à nouveau - et vainement - sa chance contre son adversaire, elle lui glissa d'entre les doigts et il s'aperçut trop tard que ç'allait être à son tour de recevoir les coups. Une masse translucide et mouillée fusa droit en direction de son visage, profitant d'une des nombreuses ouvertures que laissait Dimitri.

Brutal et violent, le choc lui fit voir trente six chandelles et l'envoya au tapis sans mot dire. Bien fait pour lui, on pourrait penser que cela suffirait à le ramener à la réalité non ? Non, et puis quoi encore. De toutes manières si vous saviez la réalité de Dimitri vous ne l'espéreriez même pas. Par terre, désorienté et trempé jusqu'aux os, la douleur dans son crâne était fulgurante. Il tâta son nez en espérant qu'il ne soit pas cassé et constata que ce n'était pas le cas. L'autre devant lui se pavana avec une fanfaronnade qui eut le don d'énerver encore plus Dimitri, si cela était encore possible. Il fallait qu'il fasse fermer son clapet à ce mutant des plus impertinents. Il lui sortait par les oreilles, le nez et les yeux à la fois et s'il avait put réduire en bouillie sa face de bouteille d'eau cela aurait été avec plaisir.

Prenant appui contre le mur, il se redressa tant bien que mal. Plein de poussière et de gravillons étaient collés à son pantalon et sa veste. Complètement groggy, il eu la légère impression de ne pas être très stable sur ses pieds et resta près du mur, quelque peu coupé dans son accès de rage. Qu'il profite bien de sa victoire l'autre, il n'abandonnerait pas si facilement. Le mur de briques était rapeux et froid sous ses doigts humides. La fissure qu'il avait provoqué courait toujours le long du mur comme une vilaine cicatrice, balafre de colère comme s'il avait voulu s'en prendre au bâtiment lui même. L'esprit un peu plus clair, il revint complètement à la réalité, malgré la douleur dans son crâne. pourquoi fallait-il toujours qu'il tombe sur des gens bizarres ? Le monde ne comprendra-t-il donc jamais qu'il souhaite qu'on le laisse tranquille par dessus tout ?

Attiré par un bruit étouffé, il tourna la tête vers sa gauche et aperçu la femme de tout à l'heure qui accompagnait le mutant d'eau qu'il affrontait. Elle avait peur, cela se voyait clairement sur son visage, et elle était toute proche de lui. Elle se précipita derrière l'homme d'eau. A choisir elle préférait encore Chuck que Dimitri, même si les deux étaient mutants. Peut être que le fait qu'il soit insensible à dix centimètres d'acier plantés dans son ventre était aussi un facteur rassurant. Était-ce sa femme ? Quelqu'un de sa famille ? Peu lui importait à vrai dire, tout ce qui comptait c'était de savoir que s'il ne pouvait l'atteindre directement lui, il le ferait indirectement en s'en prenant à elle. Il n'était pas cruel de nature et elle ne lui avait strictement rien fait, mais de toutes manières une vie de plus ou de moins dans ce monde pourri et rongé par l'hypocrisie des hommes ne ferait absolument aucune différence. Sa vie n'était qu'éphémère et elle sera oubliée aussi vite que le temps nécessaire pour tourner la page du journal où apparaîtra son nom en rubrique nécrologique. Mauvais endroit, mauvais moment, voilà tout.

Levant les yeux au dessus de lui et voyant à quel point l'énergumène translucide était proche du mur et de l'endroit où il se trouvait, il se dit qu'il n'avait qu'a faire d'une pierre deux coups. Fixant intensément le dessous noir et crasseux d'un balcon au deuxième étage, décalé sur sa gauche par rapport à lui, il estima l'alignement correct par rapport aux deux derrière lui. Sa cible était un peu loin certes, mais tant pis, il fallait qu'il le fasse et qu'il sente le sang chaud couler du corps écrasé de cet homme envers qui il entretenait tant de haine soudaine.

Il y mit tout sa sa haine et sa frustration de n'avoir put l'atteindre avec son arme et d'avoir frappé dans le vide. Sa colère, catalyseur de son pouvoir, fit le reste et il sentit cet espèce de sensation familière l'envahir de nouveau et se diriger vers le haut, léger halo bleu courant frénétiquement sur le mur de briques rouges en direction des balcons, les engloutissant. Rien ne se passa. Il maintint sa concentration et l'intensité de l'effort qu'il fournit le rendit encore plus rouge que ce qu'il était depuis tout à l'heure, crispant ses traits sous l'effort. Un bruit sec et cassant se fit alors entendre et il comprit qu'il venait peut-être de faire une erreur. Voyez-vous, Dimitri ne maîtrise que partiellement son pouvoir. S'agissant de détruire, il se sert de sa colère comme d'un catalyseur. C'est sûrement pour ça que ce n'est pas un, mais plusieurs balcons qui cédèrent sous leur propre poids. Le temps qu'il comprenne et réagisse, se mettant à courir le long du mur aussi vite qu'il le put, une multitude de fissures de plus en plus grosses avaient fait céder les blocs de béton. Un cri retentit du troisième étage. Un gosse se trouvait là par inadvertance, dommage pour lui. Espérons qu'il savait bien s'accrocher.

Pourtant, la météo de ce soir avait annoncé un ciel clair et dégagé... »

« Chuck Campbell n'était certainement pas X Man pour rien, ça non. Et Dimitri put le constater de ses propres yeux. Quel étrange phénomène décidément. Rien ne semblait hors de sa portée, rien ne semblait lui faire peur. Cette avalanche soudaine et impromptue de centaines de kilos de béton et d'armature en fer aurait dû simplement tout balayer, humains comme mutants, sans distinctions aucunes, et régler en un coup de maître tout ce problème. Dans la violence, dans le sang. C'est ainsi que Dimitri à toujours fait, sans autres moyens d'expression. Lui même faillit voir la mort de plus près que ce qu'il n'avait escompté lors de son action insensée. Pourquoi les choses ne pouvaient-elles pas être aussi simples que mourir écrasé sous un balcon de géraniums ? Encore une fois il avait besoin de se battre contre quelqu'un, encore une fois il devait faire entendre sa colère. Il aurait pu être émerveillé par la manière dont Chuck se jouait de la mort grâce à son pouvoir, comment il s'en servait pour sauver la vie de cet enfant innocent. Et le tout, avec panache et insolence. Chuckissime comme dirait une certaine personne.

Après cette pluie de gravats, tout ces débris au sol, le silence retomba, semblant presque inopportun après toute cette agitation. On entendait encore les pleurs de l'enfant et les cris indignés d'un couple que le jeune homme ne pouvaient pas apercevoir de là où il était. Dimitri se releva, noyé sous la poussière et les morceaux de bâtiments. Toussant, écorché - mais indemne, heureusement - il se releva en prenant appui sur le lampadaire brisé. On se serait cru sur un champ de bataille. Un monceaux de plaques de balcons recouvrait l'endroit où, précédemment, était l'amie de l'homme d'eau. Et vu la quantité d'eau, si au moins elle n'était pas morte écrasée, elle le serait noyée. Il observa un instant l'amas, en silence. Morte. Oui, elle ne devait déjà plus être de ce monde, noyée dans une flaque de son propre sang. Il resta immobile un instant, comme un inexistant hommage à sa vie. Encore du sang sur ses mains, déjà souillées par tant d'âmes d'innocents. Il fronça les sourcils, quelle chienne de vie.

Il fit volte face, il était temps de partir. Un tel carnage ne passait pas inaperçu et, à New York, la police ne mettait jamais très longtemps pour arriver. Surtout lorsqu'il s'agissait d'un mutant. Les moyens déployés étaient parfois aussi importants que ceux mis en vigueur contre les terroristes, depuis les attentats du 11 septembre. C'est dire. Alors, dans un haut le cœur saisissant, il fut brusquement mis à terre et sonnée par une masse d'eau considérable, le glaçant jusqu'au os alors qu'il pensait cette histoire terminée. Il n'aurait pas cru que L'homme d'eau serait revenu. Heureusement pour lui, Chuck ne lui porta pas de coup fatal, sûrement dû à ses principes de X Men.

Le souffle coupé, il eut du mal à reprendre sa respiration, face contre terre. Il se releva aussi vite qu'il le put, déséquilibré et encore complètement dégoulinant d'eau. D'ailleurs, comme un signe du ciel, il commença à pleuvoir. Il cracha l'eau avalée et dégagea ses sinus, ce que cela pouvait être désagréable. Se retournant, il vit alors quelque chose d'assez impressionnant.

_ Attention mesdames et messieurs, le grand Chuck va aujourd'hui tenter un numéro pour la première fois, une petite expérience hors norme, qu'il pourrait tout aussi bien louper !

Dimitri fronça les sourcils, qu'est-ce que cet énergumène trafiquait encore ? Plié sous l'effort, un dôme gigantesque d'eau se formait de sous les gravats, les repoussant petits à petits, masse aqueuse absolument non naturelle qui se formait, révélant petit à petit en son cœur la protégé de Chuck, dans une crise de panique monstre. Heureusement que l'on ne pouvait pas l'entendre, Dimitri ne l'aurait sans doute pas supportée.

Un éclat de Colère douloureuse passa dans les yeux du jeune homme. S'il voulait en finir, c'était maintenant ou jamais. Mais il lui faudrait fournir un effort au moins aussi intense que celui que faisait Chuck à cet instant. En fait, il lui faudrait pousser hors de ses limites, quitte à se blesser ou se tuer. De toutes manières, qu'avait-il à perdre ? La vie ? Quelle bonne blague, il était déjà mort. Posant ses mains sur le mur et fermant les yeux, il inspira profondément. Ce n'était pas une première, il l'avait déjà fait, une ou deux fois. Mais depuis, plus jamais il n'avait ressentit une Colère aussi intense que celle qui l'avait transporté ces fois-ci. Il se concentra, profitant du fait que Chuck était occupé à déterrer sa femme qui ne devrait d'ailleurs pas tarder à s'évanouir à ce rythme. Oubliant tout le reste, il laissa courir sa main le long de la déchirure dans le mur, cicatrice sanglante de sa folie destructrice. Il sentait cette force en lui, cette puissance qu'il éveilla. Il la laissa courir le long de la fissure, l'intensifiant, l'accroissant. De plus en plus il se concentra, tirant sur sa volonté et ses forces aussi fort qu'il le put. Bientôt, un presque rictus se forma sur son visage, sous l'effort. A l'image de Chuck, c'était à celui qui terminerait le plus rapidement possible. Gémissant presque sous l'effort, il poussa si loin que l'on pu apercevoir les flux de graviton, condensés, flotter dans les airs à une vitesse folle, éclairant le mur d'un halo bleu lumineux intense. Il sentit la matière autour de lui s'alourdir, s'écraser, même l'air sembla devenir plus pesant. La douleur surgit alors, dans sa tête. Il eu l'impression que son crâne allait se fendre en deux. Il grogna de peine et se força à tenir, tandis qu'enfin, il l'entendit. Un déchirement sonore, suivi d'une chute de la gouttière dont les fixations sautèrent l'une après l'autre dans un suspense haletant. Brusquement, un pan entier du bâtiment s'enfonça d'un mètre environ dans la terre, augmentant ainsi son inclinaison. Alors, très lentement d'abord puis de plus en plus vite, l'immeuble commença à tomber. Dans un fracas innommable. Dimitri hurla presque sous l'effort, des larmes perlant à ses yeux. Ses forces le quittaient, son essence vitale lui échappait, il avait trop tiré sur cette force mystérieuse et inconnue qui l'habitait. Pantelant, il cessa d'un coup tout contact, étourdi, des étoiles devant les yeux. De la poussière et de plus en plus de débris tombait d'au dessus de lui. Il respirait avec difficulté, son cœur battait la chamade et il ne parvenait pas à retrouver un rythme respiratoire normal, et non pas saccadé. Il refoula la panique qui pointait le bout de son nez et trébucha en arrière en voulant s'éloigner. Oui, il avait,réussi. Pas aussi bien que ce qu'il avait escompté mais l'immeuble était devenu trop instable pour rester debout. Déjà le trottoir se fissura, tandis que le mur porteur le repoussait. De plus en plus vite, de plus en plus lourd. Dimitri écarquilla les yeux, tremblant et en sueur. Il lui fallait quitter les lieux maintenant où c'en était finit de lui. Tant bien que mal, il commença à ramper le plus loin possible. De toutes manières, c'était trop tard pour s'en sortir indemne. Rien que cette douleur dans sa poitrine et son crâne.

Encore fallait-il qu'il s'en sorte... »