Ennemie intime [PV Sun]

L’automne, la saison préférée de Sarah. La saison des grands poètes romantiques, tels que Lamartine. Cette saison où tout le monde se plaignait du mauvais temps, la pluie, le vent, le froid et tout le blabla habituel. A les écouter, il faudrait que l’été soit la seule et unique saison possible… Pour notre apprentie Confrériste, ce n’était pas ça du tout. Elle aimait ce temps, la pluie tout particulièrement. Comme si elle se sentait mieux ensuite, comme ravivée. Les gens disaient en plus que la nature se mourrait à cette saison. Mais n’importe quoi ! Ca se voyait de suite qu’ils ne regardaient pas au plus profond de la nature, ils ne savaient pas ce qu’elle vivait réellement à cette saison. Sarah, elle, le savait. La nature se préparait tout simplement à un nouveau. Là était sa force. Elle produisait des cycles, seule. Sans l’aide de personne. Ce qui prouvait clairement sa supériorité. Elle semblait disparaitre l’espace d’une saison, pour mieux revenir au Printemps. Tout ça pour dire, que les gens racontaient encore n’importe quoi, pour changer.

Aujourd’hui il ne pleuvait pas, les nuages n’étaient pas plus menaçants que cela. Pourtant, la géokinésiste eu envie d’aller s’engouffrer dans la grande bibliothèque nationale, de cette grande ville qu’est New York. Elle entra dans la grande salle de lecture, qui n’était pas plus remplie que cela. Le beau temps y était sans doute pour quelque chose. Les gens préféraient profiter des derniers rayons de Soleil, avant quelques mois. Ce qui dans un sens était fort compréhensible. Mais tant mieux ! Moins de monde dans un lieu commun ce n’est que plus agréable. Surtout pour la jeune femme, qui ne portait pas tellement les gens dans son cœur. Elle alla s’installer à une table carrée, posa sa veste et son sac, puis fit un tour des étagères. Evidement elle cherchait un livre sur la botanique, un nouveau, ou alors très ancien. En tous les cas un ouvrage qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion d’avoir entre les mains pour le lire. S’abreuver de tout son contenu pour en savoir encore un peu plus sur ce monde qui la fascinait tant : les plantes, la terre et tous leurs petits secrets. Ah tiens là, peut-être ! La troisième étagère… Qui était assez haute. Sarah se hissa alors sur la pointe des pieds, pour pouvoir atteindre l’objet tant convoité. Au bout de quelques efforts poussés, le livre atterri dans ses bras. Déception ! Elle l’avait déjà lu celui-là. Bon maintenant que faire ? Il était sûr et certain qu’elle ne réussirait pas à le remettre à sa place. C’était donc parti pour une relecture. Après tout cela ne pouvait pas faire de mal. Elle vérifierait ainsi ses connaissance. Bien qu’elle doutait avoir oublié quelque chose… La jolie brune reprit donc place à la table. Elle ouvrit le livre, puis porta son regard sur l’index… Pour se reporter directement à la partie qui l’intéressait le plus dans cet ouvrage. Page quarante sept. Hop, elle y était, et lisait avec attention : « Les différents usages des plantes ». Un chapitre fort intéressant. Certes moins que certains ouvrages plus rares, qu’elle avait pu lire. Mais c’était déjà ça d’acquit.

Pendant sa lecture attentive, elle ne remarqua pas qu’un jeune homme vint prendre place à la même table qu’elle. Elle avait autre à penser que cela. Sarah n’était pas en plus le genre de fille qui aime bien regarder tous les garçons passer. Les garçons n’étaient pas du tout son soucis premier. Ce n’est que lorsqu’il effleura les jambes de Sarah des siennes qu’elle ne put s’empêcher de sursauter sous le coup de la surprise. Le livre lui resta tout de même dans les mains, encore heureux. Il lui répondit dans un sourire assez charmant, il faut avouer, qu’il était désolé, qu’il avait de grandes jambes. Cette remarque fit sourire notre mutante. De grandes jambes, ce n’est pas elle qui pouvait se vanter d’avoir cette caractéristique. D’ailleurs, sur sa chaise, ses pieds effleuraient simplement le sol… Assez ridicule. Normalement ce sont les enfants à qui cette situation arrive.

Bizarrement, elle n’eut pas envie d’être agressive. Elle répondit sur un ton calme et neutre cependant :

>> Non ce n’est pas un problème. Je ne pensais pas que quelqu’un allait venir s’assoir ici donc je faisais comme chez moi.

Tout en prononçant ces paroles, Sarah fit un peu plus attention à celui qui était en face d’elle. Il devait avoir à peu près son âge, peut-être quelques années de moins, mais trois fois rien. Des vêtements qui mettaient assez bien en valeur sa musculature… Intéressant ! Non, mais n’importe quoi ma pauvre Sarah ! Tu dérailles là… Ca ne te ressemble pas normalement de regarder les garçons, et encore moins de les observer en détail et les trouver plutôt pas mal. Quoi qu’il en soit, Sarah malgré tout, trouvait qu’elle n’était pas si mal tombée que cela. En plus ce léger accent dans ses phrases, qui lui faisait rouler de façon presque inaudible les « R », Sarah aimait bien cela. Cette caractéristique rendait la voix ainsi un peu plus dure, plus mature.

Décidément la discrétion n’était pas son fort. Ca se voyait tellement qu’elle regardait de façon attentive et minutieuse le jeune home que lui-même lui jeta un rapide coup d’œil par-dessus son livre. Sarah du coup replongea son regard dans son livre, d’un air pas très convaincant. Effectivement, elle ne lisait plus, elle regardait vaguement les mots qui étaient maintenant flous. Pourtant, la jeune femme s’obstinait à garder ses yeux braqués sur le contenu du livre. Elle était une véritable miss Catastrophe par moments…

Le jeune inconnu lui adressa de nouveau la parole, ce qui lui fit lever les yeux en sa direction. Elle aperçut le sourire qui lui était adressé, ce qui la fit sourire intérieurement. Peut-être ne la prenait-il pas pour une idiote finie. Peut-être n’avait-il pas remarqué son attitude… Peut-être… En tous les cas sa question interloqua Sarah. La vérité ne serait pas sa réponse. Après tout elle ne savait rien de lui. Était-il un humain ou un mutant ? Et ensuite, s’il était mutant elle ne connaissait pas la nature de son camp. Essayant de paraître le plus naturelle possible elle lui répondit :

>> Et bien je ne suis ni l’un ni l’autre. Je m’intéresse juste à la botanique. Mais je n’exerce pas dans ce métier. C’est juste un passe temps, oui voilà un passe temps.

Maintenant c’était au tour du jeune homme de la regarder avec un peu plus d’insistance qu’auparavant. Pourquoi ? Ca, Sarah n’aurait su le dire. Elle n’avait rien fait de particulier, qui pourrait interpeler le jeune homme. Toujours ce même sourire aux lèvres… Alors une hypothèse vint s’immiscer dans l’esprit de Sarah : était-il intéressé par elle ? Après tout, elle savait qu’elle n’avait pas un physique désagréable, malgré sa petite taille. Elle en avait parfois usé de ce physique pour obtenir ce qu’elle voulait. Mais là c’était différent… Il la regardait non pas avec cet air de pervers qu’ont habituellement les hommes qui arrêtent leur regard sur sa silhouette. Quoi qu’il en soit, cet inconnu était pour le moins… Original.

Suite aux paroles qu’il venait de prononcer, son hypothèse semblait devenir de plus en plus vraisemblable. Cependant Sarah ne laissa rien paraitre, elle resta impassible, ne cherchant pas à rire ou le réconforter. Elle laissa tout simplement terminer ce qu’il avait à lui dire. Après tout, il avait décidé de se jeter à l’eau, elle le laissait faire. En plus il ne s’était pas noyé, peut-être un peu bu la tasse au début de ses paroles qui avaient commencées de façon timide. Alors comme ça il la trouvait charmante ? Sarah fut surprise par ces quelques paroles. Bon bah au moins c’était dit, il s’était jeté à l’eau. Le regardant droit dans les yeux, un léger sourire en coin elle lui répondit :

>> Charmante ? Vraiment ? Mais dans quel sens dois-je le prendre ? Charme, au sens premier ? C’est-à-dire, jeter un sort ? Ou bien le sens que l’on veut lui donner aux jours d’aujourd’hui ?

Le pauvre ! Lui qui n’était déjà pas très à l’aise, ces différentes questions devaient le rendre encore plus mal à l’aise. Mais Sarah aimait beaucoup jouer avec les mots, notamment leurs sens, qui changeaient très souvent au fil des années. Et le mot « charme » en était un exemple typique. Un petit silence pointa le bout de son nez, Sarah se décida alors à le rompre :

>> En tous les cas, je ne vois aucun inconvénient à discuter un peu avec vous.

La jeune femme remarqua que l’accent russe du jeune homme s’était accentué quelque peu. Décidément elle aimait vraiment cet accent.

Elle le vit alors se lever en face d’elle, un air grave au visage. Comme si c’était pour recevoir une claque de la part de la jeune femme… Bizarre. Il lui dévoila son identité : Piotr Raspoutine. Ainsi que la certitude de son origine : il était bel et bien Russe. Un peu intimidée par la hauteur du jeune homme, en plus elle était assise donc cela n’arrangeait pas forcément les choses. La géokinésiste le regarda, puis sentit que les regards des occupants de la bibliothèque s’intéressaient soudainement à eux. Le visage de Sarah changea en une fraction de seconde, son regard à glacer le sang revint sur son visage. Non pas pour le porter sur le jeune homme qui lui tendait la main, mais pour le porter vers les petits curieux. Sa voix fut tout aussi glaciale :

>> Qu’est-ce qu’il y a ? Vous n’avez jamais vu deux personnes voulant discuter ensemble, voulant faire des présentations ? Quoi de plus banal ? Vos livres ne vous intéresse donc plus ? !

Un silence suivi sa réplique. Les gens ébahis par tant d’audace retournèrent dans leur lecture comme si de rien n’était. Tellement gênés que quelqu’un ait osé leur faire remarquer leur curiosité. Sarah savoura ce silence, au moins ils ne risquaient plus de les importuner.

Reportant son regard, calme cette fois, sur Piotr Sarah le regarda, serra doucement sa main en faisant attention à ne pas déclencher sans le vouloir son don d’intangibilité…

>> Enchantée Piotr. Je m’appelle Sarah Spellman. Puis-je vous demander ce que vous êtes venu étudier dans notre beau pays ? Cela doit vous changer de votre pays natal…

Sans s’en rendre compte, Sarah avait toujours sa main dans celle de Piotr… Quand elle s’en rendit compte elle se dégagea un peu précipitamment, assez gênée sur le coup. Mais au lieu de rougir, comme n’importe qui de normal, notre mutant palit légèrement. Comme prévu lorsqu’elle ressentait des émotions assez importantes. Sentant que son teint de peau avait du s’éclaircir d’avantage, Sarah tourna la tête en espérant qu’il ne remarque rien. Manquerait plus que cela… C’est un peu comme si elle dévoilait qu’elle était une mutante.

Mais comme une aide tombée du ciel, un éternuement venu de nulle part vint distraire ce moment assez pesant. Sarah retourna alors vivement la tête dans la direction de ce bruit. Tiens, mais cette fille… Elle lui disait quelque chose. Elle était sûre de l’avoir déjà vue quelque part… Ah oui ! Une autre Confrériste. Claire, si ses souvenirs étaient bons. Les deux femmes ne s’étaient pas souvent rencontrées, mais Sarah l’appréciait assez. Comme si de rien n’était, elle porta son attention sur Claire :

>> Ah tiens Claire ! Comment vas-tu ? Qu’est-ce qui t’amène par ici ?

Un faux ton de vouloir absolument changer de conversation et faire oublier ce léger dérapage, régnait dans la voix de Sarah.